Professionnels de santé et publicité
Dans un avis commandé par Matignon et rendu le 22 juin 2018, le Conseil d’Etat conseille de modifier la réglementation concernant la communication et la publicité dans le secteur des soins, inchangée depuis plus de 70 ans.
Dans son étude Règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information et de publicité, le Conseil d’État recommande de « supprimer l’interdiction générale de la publicité directe ou indirecte et de poser un principe de libre communication des informations par les praticiens au public, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel. » Jusqu’ici l’article 19 du Code de la santé publique interdisait toute publicité et notamment les aménagements donnant aux cabinets une apparence commerciale.
Loi nationale et compatibilité avec l’Union Européenne
Le groupe de travail, présidé par Yves DOUTRIAUX, souhaite accorder ce droit de communication à certains corps de métiers seulement. « Les professionnels de santé ne devront pas exercer leur métier comme un commerce. » Ne seront concernés par la réforme que ceux dotés d’un ordre, et par conséquent, d’une autorité disciplinaire : médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers, sages-femmes, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes et pharmaciens.
Le Conseil d’Etat justifie sa décision en avançant que la réglementation prohibant la réclame directe ou indirecte aux professions de santé est susceptible d’être affectée par la variation de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
Un encadrement étroit des informations que les praticiens peuvent aujourd’hui rendre publiques n’apparaît plus concorder pleinement aux attentes légitimes du public : l’essor de l’économie numérique a rendu obsolètes certaines des limitations actuelles en matière d’information. A l’heure du marché unique européen, dont les actes de soins ne sont pas exclus (chacun peut demander une carte d’assurance européenne sur le site Ameli), la spécificité française pose un problème.
Pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, l’interdiction absolue de la France s’apparentait davantage à une atteinte au droit à l’information, plutôt qu’à une protection du citoyen.
Communiquer avec « tact et mesure »
« Les gens vont sur Google pour se renseigner tout en se méfiant des résultats », analyse Yves DOUTRIAUX. « Et selon une étude récente, 35% des personnes âgées de moins de 35 ans, et 26% de l’ensemble de celles susceptibles d’être soignées renonceraient aux soins, faute de savoir à qui s’adresser ou comment s’orienter. » Autant permettre une communication claire aux patients actuels et futurs.
L’interdiction de publicité est ordonnée aux médecins et à certains professionnels de santé depuis plus de 70 ans. Pour le Conseil d’Etat, la communication est autorisée, à condition qu’il ne s’agisse pas de publicité. Il sera défendu à un professionnel de santé d'exercer sa profession « comme un commerce. » Il devra communiquer avec « tact et mesure », en étant « loyal » et « honnête. »
Glorifier son expérience et informer de ses tarifs
La remise en cause de l’interdiction absolue ne signifie pas qu’il n’y aura plus d’interdictions du tout. Il sera possible pour les praticiens libéraux de vanter leurs expériences et de détailler leurs pratiques professionnelles sur un site Web ou dans des brochures papier.
« Les praticiens pourront communiquer des informations sur leurs compétences, leur matériel, leur parcours personnel, leur accessibilité, leur capacités linguistiques », relate Bruno BACHINI, rapporteur général de l’étude de travail du Conseil d’Etat. « Attention, nous voulons instaurer un principe de libre communication, pas d’autorisation de publicité commerciale » nuance-t-il.
Il demeurera hors de question de couper le film du soir par des publicités télé à l’américaine ou d’exposer de grandes affiches dans les villes. Idem pour le démarchage, le référencement payant sur Google ou encore la publication d’avis de patients.
Le Conseil d’Etat va même plus loin, en proposant de rendre obligatoire la diffusion des tarifs dès la prise du premier rendez-vous, par téléphone ou en ligne. Pour être effective, l'interdiction générale de publicité directe ou indirecte des professionnels de santé doit encore être supprimée du Code de la santé publique. Ce que l’exécutif n’a pas encore annoncé.